Le succès a son revers. La réputation de conteur attachée à Daudet a fait méconnaître son talent de romancier qui l'avait pourtant imposé au public de son temps. Rien de plus simple que de se procurer les Lettres de mon moulin, mais trouve-t-on aussi facilement
L'Évangéliste ou L'Immortel? Reproduisant les mêmes modèles fautifs – très tôt, Daudet a cessé de contrôler personnellement les rééditions –, les éditions qui se sont succédées ont transmis les mêmes erreurs. À la désinvolture des éditeurs
répond la désinvolture des critiques. En guise d'analyse, on ne trouve trop souvent qu'un survol dédaigneux.
Un auteur célèbre et pourtant mal connu, des textes devenus introuvables ou diffusés sous une forme défectueuse, telle est la situation qui justifiait cette édition. La documentation utilisée présente encore de graves lacunes : tous les manuscrits de Daudet ne sont pas connus et localisés. Compte tenu de ces limites, le présent volume – qui couvre les années 1880 à 1897 – met à la disposition du lecteur des textes sûrs, ou du moins améliorés. Il pourra ainsi se faire une idée plus nette de ce qu'est la création littéraire chez Daudet, à commencer par ce besoin d'écrire, et d'écrire pour raconter des histoires – seule activité sérieuse aux yeux de ce sceptique.