Le plus célèbre des couples nés de l’imagination de D. H. Lawrence est celui que forment Constance, une aristocrate, et Mellors, un garde-chasse. Publié à compte d’auteur en 1928, circulant sous le manteau jusqu’en 1959, encore objet d’un procès pour obscénité en 1960, L’Amant de Lady Chatterley fit scandale, en raison notamment de sa description de la sexualité féminine. Mais il devrait rester dans les mémoires à un autre titre : c’est un très grand livre. Joyce, Woolf, T. S. Eliot ont été sensibles à la guerre que mena Lawrence contre le roman réaliste « à l’ancienne », en faveur de l’effacement de la frontière entre roman et poésie. « Ne me donnez rien de fixe, rien de figé, rien de statique », disait-il. Femmes amoureuses est un roman « jamais contenu, jamais confiné, jamais dominé de l’extérieur ». Le réel y est fractal. Lawrence écrit vite puis il reprend ses manuscrits, les révisions sont incessantes, il faut épouser la vérité changeante de l’instant. L’expression doit privilégier non l’achèvement, mais le processus, non la stabilité, mais le vacillement. Toile de fond du recueil de novelettes (La Coccinelle, Le Renard, La Poupée du capitaine) ici joint aux deux grands romans, la guerre de 14 est passée par là, marquant l’écriture de Lawrence. Le soufre des adultères victoriens paraît éventé ? Le romanesque selon Lawrence reste une « bombe ». S’engouffrent par la brèche ainsi ouverte « des sentiments nouveaux, vraiment nouveaux, une lignée entière de nouvelles émotions ».