La Pléaide

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Les coulisses de la Pléiade

Petite chronologie simenonienne

La lettre de la Pléiade n° 15
avril-mai 2003

Toutes les éditions publiées par la Pléiade n'exigent pas le même temps de préparation. On le comprend aisément : assembler et traduire les écrits apocryphes chrétiens ou réunir les nouvelles de Paul Morand, ce n'est pas tout à fait le même travail. En fait, chaque édition constitue un cas d'espèce. Le « cas Simenon » n'est donc pas exemplaire, mais il donne une idée de la manière dont un projet devient livre, lorsque tout se passe bien.

Été 1998 — Antoine Gallimard décide, en accord avec les ayants droit de l'auteur, de faire entrer Simenon à la Pléiade. L'œuvre est immense ; un choix s'impose. Très vite, il apparaît qu'il faudra une vingtaine de romans pour constituer un plan équilibré. Deux volumes seront donc nécessaires. On estime à trois ans la durée du travail de sélection, d'édition, de présentation et d'annotation des textes. À ces trois ans on ajoutera, comme toujours, une année de relecture, de correction et de fabrication. Trois ans, plus un an...
Pourquoi ne pas faire paraître cette édition en 2003, à l'occasion du centième anniversaire de la naissance de Simenon ? La décision est prise : les deux volumes paraîtront en mai 2003, avec un Album Simenon.

Septembre 1998 — Qui fera le travail ? Le choix de la Pléiade se porte sur Jacques Dubois (un Liégeois, comme Simenon), qui a déjà consacré plusieurs travaux à Simenon. Il est aussi l'auteur d'un livre sur Le Roman policier ou la Modernité et d'un essai sur Proust : Pour Albertine. Il prépare un ouvrage sur Les Romanciers du réel, qui comprendra un chapitre « Simenon ». Jacques Dubois travaillera avec Benoît Denis, qui est l'éditeur de la correspondance Gide-Simenon.

Avril-mai 1999 — On réfléchit depuis plusieurs mois au choix des romans. Des listes provisoires sont établies.

25 juillet 1999 — Jacques Dubois nous adresse la liste des titres qu'il souhaite finalement retenir. Le calibrage (décompte des signes, des lignes et des pages) est satisfaisant. Le choix des textes (quelques « Maigret », une majorité de « romans durs », c'est-à-dire non policiers), très intéressant. On couvre toute la période de création romanesque de Simenon. Des changements resteront possibles, mais dans l'ensemble nous tenons notre plan.

21 février 2000 — La Pléiade reçoit de Benoît Denis une première Notice, celle du Coup de lune, dans une version provisoire qui servira de banc d'essai. On réfléchit à son contenu, à sa structure... Quelques mois plus tard, les notes du même roman, puis l'appareil critique de deux autres textes seront examinés.
Peu à peu, des principes sont établis d'un commun accord entre l'éditeur et les auteurs. La suite des opérations en sera facilitée.

Printemps 2000— le plan est légèrement modifié. On ajoute notamment Les Mémoires de Maigret, ouvrage dans lequel un certain Georges Sim rencontre le commissaire Maigret...

Automne 2000 — l'imprimeur livre à Gallimard la « saisie » informatique du texte des romans retenus. Il s'agit du texte des éditions originales : sauf exception, Simenon ne corrigeait pas ses livres à l'occasion de leur réédition. La saisie est transmise à Jacques Dubois et à Benoît Denis ; elle leur servira d'outil de travail, par exemple pour retrouver un nom ou localiser une citation à l'aide de la fonction de recherche de leur ordinateur.

Juin 2001 — Le gouverneur de la Province de Liège prend contact avec Gallimard pour faire part de ses projets en prévision de « l'année Simenon » (2003).

19 septembre 2001 — Le gouverneur et Antoine Gallimard conviennent que la présentation des volumes à la presse internationale se fera à Liège le 6 mai 2003.

Décembre 2001-janvier 2002 — Jacques Dubois nous le confirme, les dates de remise des manuscrits seront respectées. Restent à régler de menues questions : faut-il relever les variantes du Président ? Où parler des adaptations cinématographiques ? Comment reproduire les fameuses « enveloppes jaunes » sur lesquelles Simenon prenait des notes lorsqu'il préparait ses livres ? Petit à petit, chaque problème trouve sa solution.

Juin 2002— La Pléiade reçoit la version définitive des premiers appareils critiques. La préparation typographique des textes a commencé. Les deux tomes avanceront en parallèle. Bref, la machine est lancée.

22 octobre 2002 — On envoie à Jacques Dubois et à Benoît Denis les premiers dossiers. Chaque dossier comprend l'épreuve corrigée d'un roman et l'appareil critique correspondant, avec des questions et des remarques. Jusqu'aux semaines précédant le bon à tirer final, les dossiers feront la navette entre leur auteur et leur éditeur.

15 novembre 2002 — La Pléiade reçoit le manuscrit de l'Introduction, dernière pièce du puzzle.
Évoquer la méthode, l'œuvre (ses débuts, ses développements, sa réception, sa reconnaissance) et la carrière de Simenon en une cinquantaine de pages, cela ressemblait à une gageure. Dès la première lecture, on comprend que le défi a été relevé, et de belle manière.

20 novembre 2002 — L'imprimeur fournit l'épreuve « mise en page » du début de chaque tome.
Les uns après les autres, les romans de Simenon reçoivent leur pagination et leur aspect définitifs. Cette nouvelle épreuve va être corrigée, puis envoyée pour contrôle à Jacques Dubois et Benoît Denis.

Janvier 2003 — Quel document choisir pour illustrer le coffret contenant les deux volumes ? On retient une photo de Brassaï : un square, la nuit ; un banc ; de la brume ; quelques lampadaires ; les phares d'une auto.

24 février 2003 — Jacques Dubois présente l'édition aux représentants, lesquels iront bientôt en parler aux libraires.

13 mars 2003 — Le service de la Pléiade signe le bon à tirer des dernières pages et pousse un soupir de soulagement. À Liège, Jacques Dubois et Benoît Denis poussent sans doute un soupir très comparable. Tout s'est bien passé. À l'imprimeur de jouer.

1er avril 2003 — Le tome I est tiré ! On attend le tome II pour le jeudi 3. Le relieur va entrer en scène.